Escale prolongée

Comme à son habitude, il se tenait au comptoir d'un bar, sur une chaise surélevée. Le patron, devenu son principal interlocuteur avec son verre de bière, lui parlait des dernières nouvelles de la ville, les arrivées des bateaux et les marins perdus en mer, les familles qui allaient affronter la solitude. On maudissait dans ces discussions la mer autant qu'elle fascinait toujours, dans son flux éternel, le plus grand meurtrier de cette ville. Ce monde avait beau se gorger de nouveaux arrivants, tous plus cinglés et bizarres les uns que les autres, certaines choses ne changeaient jamais : la mer et sa lame de fond, sa vague de mort, qui fauche la vie comme la coque d'un frêle esquif. Vas-y la vigie, surveille les récifs, nous on va dans la cale se saouler au plus profond de notre misère. Même le capitaine va y participer, y'a pas de favoritisme dans les descentes, bières, cale, noyade, enfer.

Sur ce comptoir, il laissait s'échapper ses heures. Rien à faire dans cette ville qui vaille le coup d'être fait. Diavolo était après tout un capitaine pirate. Un capitaine qui n'avait aucun équipage ni même de drapeau, mais tout de même un capitaine pirate ! Il n'irait jamais pêcher, ou même travailler pour un patron, alors qu'il était un capitaine, un fou des mers, un libertaire n'aimant que son bateau et l'océan. Mais enfin, il fallait bien manger, et manger liquide , alors il restait accroché sur ce zinc, et il écrivait des chansons de marin, ou bien des chansons des quais, et tentait de les vendre contre un coup ou deux. A la fermeture, il faisait la vaisselle pour le patron, qui lui avait donné une couche en contrepartie. Il passait sa nuit entre les verres et les assiettes et les ambiances du port, et allait boire les pourboires du patron dès que le travail était fini, propre et rangé.

C'est dans les cabarets et les maisons closes que ses maigres finances partaient le plus rapidement. Un peu de chansons qu'il proposait sur scène, on lui donnait parfois quelques pièces, parfois plus si l'équipage qui était en vadrouille sur le bâtiment appréciait la chanson. Enivré, il se dirigeait vers une fille qu'on partage, mais qu'on aime bien avoir pour soi une heure ou deux. Celle du moment lui plaisait bien, mais impossible de se rappeler du prénom.

Le patron le retrouvait le matin au comptoir, à servir du café aux marins qui revenaient de la pêche. Il ne dormait que vers midi, pour quatre ou cinq heures, et reprenait sa place au comptoir pour écrire de nouvelles choses, sur la mer et les femmes, les pas titubants sur les quais, les départs qui déchirent les coeurs. Il écrivait également à ses parents une fois par mois, disant que tout allait bien et qu'il travaillait dans un bar dont il était gérant, qu'il avait une grande maison et en ce moment une petite-amie avec qui il allait se fiancer. Ça faisait toujours plaisir de voir que son fiston réussissait sa vie et gagnait sa vie convenablement, et était bien entouré.

Il suivait également les journaux, l'actualité et la politique. Il était fortement indépendant et ne supportait pas que les deux factions s'imposent comme forces politiques majeures. Il était pour une direction collective et partagée des ressources humaines et matérielles, et contre une dictature d'un duel uniquement binaire, où aucun autre parti ne pourrait émerger. Il assistait quelquefois à des réunions politiques, des discours dans les rues, mais généralement il gardait ses idées pour lui, estimant qu'il valait mieux, quand on cherche à vendre ses oeuvres, éviter de se montrer dans un courant précis. De plus, il pensait partir n'importe quand, quand il voudrait, alors suivre un parti et s'accrocher dans un endroit pour le défendre ne lui disait rien...

Ainsi se déroulaient les journées de Diavolo Tejada, sans que personne ne se doute un seul instant qu'il faisait partie de ces hommes dotés d'un pouvoir. Il aimait bien se fondre dans la masse, se faire oublier et se faire passer pour le dernier des clochards proprets du coin. Le costard toujours propre jurait terriblement avec sa situation, comme pour un joueur de blues. Ainsi, depuis qu'il était arrivé ici il y a quelques semaines, tout le monde le reconnaissait désormais. Et il passait ses journées sur un bar des quais, sous les rires des habitants, qui ne voyaient en lui qu'un vagabond excentrique. Diavolo pensait souvent que cette période était la meilleure de sa vie, et qu'il en profiterait au maximum, avant que quelqu'un ne découvre son véritable pouvoir. Pour l'heure, il avait quelques sous et une bière, ainsi qu'une feuille. Cela suffisait amplement pour atteindre sans encombres le crépuscule.

Le cortège de religieux avançait lentement depuis le temple de Völluspa à travers chaque rues et ruelles entonnant chants et louanges à la gloire de Pendraton.

Deux d'entre eux tout de rouge vêtu s'écartèrent du groupe et entrèrent dans le bar où Diavalo vaquait à ses occupations.

Le premier s'exclama:

- Gloire au tout puissant Pendratron; nous implorons ta pitié et te remercions pour ta clémence.

Ce à quoi les gens du bar répondirent en chœur: Gloire à Pendraton !

Le second prit alors la parole: Avouez vos pêché au tout puissant si vous ne voulez pas subir son courroux et racheter votre droit à la pénitence.

Le religieux commença alors à faire le tour des personnes du bar; si certains parurent hésitant, une fois face à face avec l'homme drapé de rouge, tous déballait leurs méfaits les plus récents, du simple mensonge au vol. Puis, chacun d'entre eux donnait une bonne somme d'argent conséquente en l'honneur de Pendraton.

L'homme arrive finalement devant Diavalo:

"Et toi pêcheur, qu'as tu à confesser ?"

Et vas-y que ça gueule sur les quais d'habitude si tranquilles...Cette manie qu'ont les gens possédant une once de pouvoir que de faire chier les honnêtes et tranquilles habitants d'un quartier (presque) sans histoires. Diavolo se retint de lancer une blague en voyant les deux curetons entrer dans le bar, le genre à faire rire personne, et s'esclaffer en solo. Ça se tenterait, avec des potes portés sur la baston et la fuite efficace, mais là...

Le religieux faisait le tour des clients. Non seulement c'était carrément moyen pour le commerce, mais alors ce ton impératif et cette impression de revenir à l'école, y'avait de quoi recommander son abonnement auprès du diable, ou toutes les autres conneries malsaines que ces complexés de la transcendance jugaient comme mauvaises. C'est sûr que s'habiller tous pareils et obliger les autres, c'est agir pour le bien.

Le professeur rouge arriva devant lui, et lui demanda s'il n'avait rien à dire. La vache, rien que la soirée d'hier avait été riche en dangers et rebondissements - comprendre bagarres, filles de joies, beuveries finissant dans le port, parfois jusqu'à l'eau...Boarf, c'était pas du méfait, on a toujours le droit de s'amuser, non ?
Diavolo fit mine de réfléchir, les yeux levés vers le plafond du bar, le doigt sur la bouche, l'autre main pianotant sur le comptoir.

- Voyons voyons...je n'ai pas aidé un mendiant dans la rue à s'acheter une bouteille de rouge qui tâche, je n'ai pas aidé des voleurs qui sévissaient dans le marché aux poissons à rentrer dans le droit chemin...j'ai peut-être poussé un ou deux types à la mer hier soir, mais c'est eux qui avaient commencé, m'sieur ! Ensuite...ouais, y'a bien ça, mais j'vois pas en quoi ça vous regarde. Puis je suis un artiste, éventuellement je fais la plonge encore que vous ne deviez pas le savoir, mais je ne pêche jamais. J'aimerais bien avoir un bateau, mais il me manque les sous. D'ailleurs pour le don à votre Dieu Grandraton, comptez pas sur moi ! J'ai à peine de quoi boire pour moi, alors une offrande à un Dieu...'fin bon, vue la récolte, il devrait pouvoir se gaver sans moi.

Réponse innocente cachant mal un certain sourire narquois. Il commença à réfléchir à un plan de défense, mais ça risquerait de foutre une drôle d'ambiance. Il se sentit un peu faible dans sa répartie, et décida d'aller jusqu'au bout. Son sourire s'étira et il prit un air de chien battu malicieux.

- D'ailleurs, il est possible que je fasse l'aumône auprès de gens comme vous, qui êtes si gâtés. Le dieu propose de tout partager, riches et pauvres, ensemble, non ? Moi ça tombe bien, j'ai pas un rond ! Faut que je dise quoi au Grandraton pour avoir ? Oh, et vous voulez boire quelque chose, tant que vous êtes ici ? Si vous faites le tour du patelin, rien de tel qu'un bon remontant pour vous donner la pêche. Jeu de mots.

Clin d'oeil. Là, c'était bon, il était cuit. Restait à savoir comment.

Gandraton

En prononçant ce mot, un frisson parcourut le quêteur comme la totalité des gens présent dans le bar. Les deux prêtres venaient en quelques secondes de faire passer leurs visages dans une couleur rougeoyante démontrant leur indignation.

Redoublant d'audace, ou plutôt de stupidité, Diavalo continua.

Vert de rage, le premier des prêtres beugla sur l'étranger:

- Imbéciles, Pendraton est tout sauf un Dieu clément, si nous le contrarions il descendra et détruira notre monde en moins d'une semaine; telle est la prophétie. Toutes les richesses que nous récoltons sont destinés au seul culte de Pendraton

Se ressaisissant, le second prêtre reprit la parole à l'adresse de son auditoire:

- Voyez mes frères, la maladie que ces étrangers apportent dans notre monde; ils s'installent chez nous comme de vulgaires rats dans les égouts, et ne font aucun effort pour s'intégrer ou ne serait ce que comprendre notre société; ils sont impies et provoque la colère de Pendraton !

Partant alors dans un délire semi-conscient; le prêtre se mit à délirer.

- Oh Pendatron, ne pardonne pas ces impies mais ne rejette pas leur faute sur tes fidèles serviteurs; parle et j'exécuterais; fais nous connaître ta volonté [...] Il continua ainsi une bonne minute, le temps qu'il fallu aux gens du bar pour s'éclipser. Les choses avaient beau changer ces temps-ci, entendre de tels blasphèmes n'augurait riens de bon.

La justice divine allait être rendu; et chacun avait compris qu'il valait mieux s'éloigner au plus vite; le peuple était pacifique, mais ce n'était pas le cas du dieu maléfique et de ces serviteurs.

Un rire hystérique aux lèvres, le prêtre s'adressa alors à Diavalo:

- J'espère que ma petite scène t'a plus, car ce sera surement la dernière fois que tu as l'occasion de la voir; enfin tout dépend de toi. Accepteras tu d'implorer le pardon de Pendraton ? Dans le cas contraire, prépare toi à affronter ton destin pêcheur.

Bip ! Mauvaise réponse. Ah que c'était pas la bonne, visiblement. Avec ces cinglés, en même temps, on répond toujours à côté. Et les autres qui s'y mettaient aussi, avec leur Dieu qui avait l'air tout sauf gentil avec ses fidèles. Sympa le type, tu le pries, tu lui files tes ronds, bah il ne fait rien parce qu'il peut tout détruire. La vache ! Diavolo n'y avait même pas songé ! Mais ouais, fallait fonder une secte, se faire passer pour un Dieu qui menace tout le monde, et le pactole était pour bibi !
Ils déliraient franchement, par contre. Impies et rats d’égouts, alors qu'il était tout propre de ce matin, et qu'il ne savait pas ce que voulait dire impie, ça c'était le comble ! C'est pas un monde où on vient faire chier les gens dans un bar ! Y'en a qui bosse, merde ! Lui qui travaillait non stop au bar - et pour cause, vu qu'il y vivait, lui dire qu'il n'arrivait pas à s'intégrer. Qu'ils aillent voir du côté des bordels pour voir si Diavolo n'arrivait pas à s'intégrer à la population locale. Il a même réussi à s'introduire avec beaucoup de réussite. Non mais...

Pendant que le truc qui beuglait devant lui débitait des paroles, Diavolo essaya de s'éclipser avec les autres, et mettant un autre type petit et roux avec une barbe énorme à sa place. Un chiffon sur la tête, il s'abaissa pour être à hauteur normale et s'en alla avec les clients, laissant les prêtres sermonner son remplaçant.

- Ville de cinglés, ma parole...

Ce fut tout ce qu'il murmura, et prit la première à droite en direction de la fuite.

Diavalo s'échappe du bar sans escarmouches grâce à l'aide de son subterfuge, grotesque mais néanmoins efficace; jusqu'à ce que le pauvre type comprenne ce qu'il lui arrivait.

Quelques dizaines de minutes pus tard, Diavalo entend derrière lui des bruits de sabots se rapprocher de plus en plus; il ne tarda pas à être dans la ligne de mire de cinqs cavaliers qui n'avaient vraisemblablement aucune autre intention que celle d'intercepter Diavalo.

Les vieux du Grandraton avaient sans doute rien capté, mais il n'était pas sorti d'affaire pour autant. Courir ou marcher ? Courir avait l'avantage de la vitesse, il pourrait rapidement se mettre à l'abri, semer des poursuivants, et aussi faire office de sport quotidien. Toujours bon à prendre, avec un bon rythme expiration-inspiration. Prêt pour un marathon, mêlé à un cache-cache avec les problèmes. Marcher permettait la discrétion, se fondre dans la masse, et se faire passer pour n'importe qui, flânant dans les rues.

Il opta pour la seconde option, tenant la première au coin de sa tête, au cas où. Il mit ses mains dans les poches, avança d'un air insouciant en sifflotant, et se mit à parler avec une vieille dame des nouvelles du jour, la serrant contre lui et l'appelant Mamie. Il éclata d'un rire sonore en prenant la vieille par le bras, et s'en alla marchant avec elle. Des cavaliers n'auraient jamais l'idée saugrenue de s'intéresser à une vielle dame et son gentil petit-fils. Espérons.

Le subterfuge de Diavalo eut nettement moins de succès que le précédent; eussent il eu une chance de marcher si la vieille avait été autant bourré que le rouquin ayant servi de pantin.
Malheureusement pour Diavalo, lorsqu'il s'approcha de la vieille dame, celle ci se mit à vociférer tout un tas d'injures, traitant Diavalo de pervers et autres calomnies du même style.

Une chose était sûre, cette fois il n'allait pas pouvoir passer inaperçu.

FUIIIIIITE ! Mais quel quartier d'abrutis ! D'abord un prêtre qui lui demande s'il fait encore pipi au lit, ensuite des cavaliers qui jouent à chat avec les fuyards, et enfin une vieille qui ne supporte pas l'altruisme désintéressé d'un brave type ! Il était content de sortir d'ici, quel patelin de cons ! Sauf le patron, peut-être, qui l'avait accueilli gentiment et Diavolo ne savait pas s'il pourrait retourner chez lui un jour pour le remercier. Pour l'heure, la question était ailleurs, de savoir si une jambe après l'autre il pourrait semer des canassons qui courraient logiquement plus vite que lui...à moins que...

Il se mit à tracer dans la rue, en gueulant à la cantonade des "Au voleur !" pour tenter un ultime bluff, sans trop y croire. Il prit plusieurs fois une ruelle, un virage au dernier moment, de manière à surprendre ses poursuivants. Il savait que les chevaux n'étaient pas des pros du dérapage contrôlé, alors que lui avait l'habitude de courir pour sauver sa peau. Ce qu'il lui faudrait maintenant, c'est un bon muret, un cortège funèbre, un véhicule citadin ou une médaille d'or de sprint sur 500 mètres. Au choix. Avec la vie en plus, privilège de sportif.

Il jeta des coups d'oeil derrière lui afin de juger à chaque fois la distance qui le séparait des ennuis à ses fesses, ce qui le motivait ô combien.

Diavalo réussit à semer ces poursuivants qui ne réussirent pas à le suivre avec leurs montures aussi rapides soit elle.

Malheureusement pour lui qui ne recherchait visiblement qu'à vivre une vie bien tranquille; la vie n’est pas un long fleuve tranquille; et à peine eut il cru que ses ennui se terminait que Diavalo fut forcé de revoir ses priorités.

Devant lui venait d'apparaître un homme dans un éclat de poussière en s'écriant:

- Incision

L'homme portait un long manteau blanc avec des épaulettes bleu. Dans son dos l'on pouvait voir deux grands sabres cachant l'inscription barré "Marine" sur le dos de son manteau.
Il regarda Diavalo pendant un bon moment; puis s'adressa à lui:

- Allons, ne soit pas trop surpris de me revoir sale pirate. Cette fois tu ne pourras pas m'échapper.

Ouf ! Enfin tranquille ! Il était arrivé à semer les cavaliers en courant comme un dératé dans les rues. Reprenant son souffle, il réfléchit rapidement à sa situation : reprendre ses activités dans le bar ? Peu probable, il serait fiché avec ces malades de fanatiques. Trouver un nouveau job ? Difficile de trouver aussi bien que le précédent. Il fallait maintenant trouver un toit et de la nourriture...galère sur galère, tout ça pour quelques types en costume de sortie, qui se croient supérieurs à la normale. Ce monde tournait pas rond, il préférait l'ancien temps, où il suffisait de s'installer sur les plages et de courser la Marine.

Justement, en parlant du loup...La Marine venait d'apparaître dans son uniforme bicolore très reconnaissable. Forcément, si un type comme Diavolo était passé dans l'autre monde, les connards d'en face aussi. Faudrait faire avec, et continuer les luttes intestines entre d'autres luttes. Y'aurait du grabuge partout, mais sur le moment cela occupa peu l'esprit de Diavolo.

Il toisa le pirate, se gratta la tête en prenant un air d'abruti, puis rajuste sa cravata, épousseta son costard, lança un sourire un peu gêné en demandant à son nouvel ami :

- Euh...enchanté. On s'connaît ? Tu dois me confondre avec un autre parce que je suis un barman à temps partiel, et un compositeur de chansons de marin. Rien à voir avec de la piraterie, je t'assure. D'ailleurs, c'est l'heure de la marée, faut que j'aille pousser la chansonnette.

Il se désintéressa soudainement du soldat et pointa un bout du ciel avec son doigt, prenant une expression terrifiée. Il espérait que l'autre marcherait, en tout cas c'était vraiment criant de vérité. Il se tourna sans demander son reste, prêt à retenter le record de course.

- A la r'voyure, camarade !

Et lui de repartir en sprint en hurlant à travers les rues qu'un fou furieux voulait l'obliger à lui pomper le noeud (marin).

Le colonel karov ravala sa salive; foutu pirate; tous les mêmes; comment ce type de raclure avait elle pu intégrer les rangs de la marine.
Reprenant alors d'un air plus sérieux:

- Je crois pas qu'il y ait des masses de rouquin qui puisse mettre le commandant jabot en rogne face de carotte. Sur ordre du gouvernement mondial je viens t'arrêter; puis il rajouta à mi-voix; et après à moi la récompense de 20 millions de berrys pour ta tête !

Le colonel Karov ne précisa pas bien entendu que la capture de Diavolo devait se faire vivant. Malgré cela Diavolo semblait ne pas vouloir ciller; cependant le colonel ne le laisserait pas s'échapper.

- T'as pas intérêt à m'ignorer le rouquin.

Sans même demander son reste Karov activa les pouvoir de son fruit; un logia. Se transformant en poussière, il atterrit juste devant Diavolo avant de lui envoyer un direct du gauche.

Allons bons. Un commandant en colère, un colonel-toutou qui suit les ordres, et on se retrouve dans un merdier inextricable. Soit. Il fut à moitié ravi d'apprendre que la prime sur sa tête était toujours la même, façon pour la Marine de dire que nouveau monde ou pas, on restait toujours les mêmes, et on irait pourrir vos vies jusqu'à vos tombes au-dessus desquelles on pissera allègrement dessus. Toujours cette impression de haine et de rancoeurs, juste parce que quelques névrosés ont une conception différente de ce que doit être la justice et la morale. Bon sang...Commandant Jabot...Commandant Jabot...ce devait être le type qui ne savait pas se fringuer, à coup sûr. Il était devenu tout rouge quand Diavolo l'avait croisé une fois, et s'était écroulé de rire au sol. Les gens sont vraiment susceptibles.

- 20 millions sur ma tête, ça me laisse rêveur. Je peux me rendre et toucher la prime ? J'en ai pas mal besoin en ce moment. Ou même, je prends 1 million et je te laisse le reste, tu sais. Deal ?

Il ne l'écoutait pas. Ce type de la Marine vivait vraiment dans son monde, et semblait absorbé par son objectif. Diavolo le vit venir vers lui très rapidement. Un Logia. De la poussière visible. Si ce gars le traquait, il connaissait sûrement la nature de son pouvoir. Ou pas. Dans tous les cas, un Logia ne pourrait rien lui faire de dangereux, si ce n'est le faire crier à la mort, comme d'habitude.

Il reçut le coup et vola au sol en hurlant de douleur. Elle assaillit la tête de Diavolo comme une morsure brûlante, qui lui ravageait le visage. Il se mit à hurler à cause de la souffrance insupportable, la contre-partie de son fruit, jusqu'à ce que ses ténèbres absorbent tout avec les trous noirs. Il se releva, essoufflé, le regard complètement furieux.

- T'ignorer ? Non, tu as maintenant tout mon intérêt.

Il s'approcha lentement de lui, le fixant des yeux sans ciller. On aurait pu entendre une mouche voler alors qu'il approchait calmement du soldat. Arrivé à deux mètres de lui, il se baissa, porter la main gauche près de sa bouche et murmura juste pour son interlocuteur.

- Okay, t'as le sens des affaires. Je prends 500 mille, et je te laisse le reste, qu'est-ce que tu en dis ? Deal ?

Vraiment très joli ici.

Voilà déjà quelques heures que je me balade gaiement dans cette ville portuaire dont le nom est bien étrange. Mais qu'est-ce qui n'est pas étrange ici ? Depuis mon arrivée il y a quelques jours dans ce monde de fous, j'essaie de recoller les morceaux. Les habitants du petit village dans lequel je me suis retrouvée m'ont brossé un tableau rapide de la situation, mais rien n'est très clair. J'ai donc décidé de voyager un peu, afin d'essayer de trouver des compagnons Shinigami.

En tout cas, cette ville ne manque pas de charme, malgré les gens qui y vivent. J'ai croisé pas mal de personnes louches, essayant au maximum de me faire discrète pour ne pas m'attirer d'ennuis involontairement. Voyant que j'allais croiser une espèce de cortège bizarre, j'ai pris la tangente et me suis engouffrée dans un tortillons de ruelles qui eut bientôt raison de mon sens de l'orientation. Eh oui.. Se perdre dans un lieu inconnu, ça arrive, mais pour moi, c'est tout à fait normal : je n'ai absolument aucun sens de l'orientation. Je peux juste assurer être passée au moins deux fois par la même intersection : l'odeur de la poissonnerie puante me reste encore dans les narines. Préférant m'éloigner au possible de cette source nauséabonde, j'ai continué à m'enfoncer dans les quartiers pour finalement me retrouver témoin d'une scène étrange elle aussi.

Deux hommes. Un habillé avec des vêtements clairs, l'autre en foncé, se disputant. Baah, les filles restant des filles, je dois avouer que ma curiosité m'a poussé à observer la suite, restant cachée au coin d'un mur. Une chose est sûre, je ne comprends rien de rien à leur conversation ! Des.. berries ? C'est quoi ce truc ? De l'argent ? Peut-être, puisqu'ils parlent de deal.. Cette histoire sent le louche, mais ça ne me concerne en rien, je pense donc à faire demi-tour jusqu'au moment où le premier se dissolve littéralement pour réapparaître et mettre une beigne au second, lequel emploie je ne sais quelle technique de soin. Ouuuuh, ça sent l'embrouille, ça sent l'embrouille ! Il faudrait vraiment que je parte, mais je ne bouge pas tandis qu'un combat pour/contre se déroule dans ma tête.
Bon, je reste juste un peu alors. De toute manière, ils ont l'air tellement absorbés l'un par l'autre que ma présence ne va pas être remarquée de sit..

-Chaud devaaaant !

S'baaaam ! Raaahh, quelle douleur.. Je me frotte l'arrière du crâne et me relève péniblement tandis que le marchand se confond en excuses.

-Désolée ma p'tite ! Mais c'est qu'le canasson là, y voulait pas s'arrêter et la ruelle l'est trop étroite.. Qu'est-ce que .. ? Ah, euh.. Aur'voir !

Hein, quoi ? Le choc m'a fait valser sur quelques mètres pour atterrir presque au pieds des deux hommes louches. Le marchand a dû prendre peur en les voyant et s'est enfui. Sympathique : ce lâche m'a laissé seule avec eux. Je me retourne donc et suis face aux deux inconnus, un sourire gêné imprimé sur mon visage rougit, ma main toujours sur l'arrière de mon crâne. Instinctivement, mon autre main se pose discrètement sur le manche de Qilin, soigneusement caché sous ma parka.

- Ha ha.. Vraiment désolée pour le dérangement messieurs, je crois que je vais aller.. euhhh, par là peut-être ? Ou par là.. Ha ha, quelle idiote je crois bien m'être perdue. Enfin bref, euuuuh, bonne journée hein !

Le colonel Karov eut un petit sourire satisfait lorsque Diavolo tenta de négocier sa tête; au moins maintenant n'essaierait il plus de s'enfuir.
Malheureusement, ce que le fugitif ignorait c'était que Jabot avait une parenté plus ou moins éloigné avec les nobles mondiaux; et la récompense à la clef irait surement bien au delà des simples 20 millions; elles serait surement accompagné d'une promotion au grade de Vice Amiral même s'il n'avait pas tout à fait leur niveau.

Alors que Karov s’apprêtait à renvoyer la monnaie de sa pièce à Diavolo; leur face à face fut interrompue par une jeune femme qui vint s'effondrer au milieu de leur conversation, avant de s'excuser et de tenter de s'esquiver.

Karov la dévisageait fortement; oui c'était bien une femme, son regard n'arrivait pas à se détacher de sa poitrine, il n'y pouvait rien, depuis son entrée dans la marine on le surnommait Le voyeur...et à juste titre.

Un sourire sadique se dessina alors sur les lèvres de Karov.

- TU n'es pas très bon en affaire l'Irlandais; laisse moi te proposer une contre offre: 5 millions pour toi sur les 20; et je veux cette fille en prime; alors t'en dis quoi ? Cela ne devrait pas trop poser de problème à une raclure comme toi de dresser une ptite femmelette hein ?

Woh, ça a changé, la Marine, c'est pus comme avant, dis' donc. En pleine négociation d'abord, avec un gradé, pour savoir si oui ou non ils allaient partager le butin. Comme la sensation qu'on le prenait pour un abruti. Ce qu'il voulait surtout, c'était gagner du temps. Pour fuir de nouveau et semer ce qui semblait être la réunion de tous les casse-couilles de la ville s'étant donnés le mot pour se retrouver aux pieds de Diavolo. La présidente de l'assoc" devait être cette fille, là, bousculée par un courant d'air. Trop souriante pour être honnête, trop répandue d'excuses pour que ce soit un hasard. Position de défense...arme cachée ? Épée ? Dague ? Flingue ? Sarbacane ? Soutien-gorge ? Peu probable pour ce dernier, ce serait trop dur de se battre avec. Mais avec tous ces guignols qui arpentaient les rues, on ne savait jamais.

Son regard alla de la fille jusqu'au soldat. Son offre était étonnante. Une fille, soit. Avec un peu de chance, elle serait consentante avec des pièces bien placées là où il fallait savoir les placer. Sinon, au pire, la force avait fait ses preuves, même si c'était pas la méthode la plus sympathique pour vivre une histoire d'amour avec quelqu'un. Mais bon, dans la Marine, la vie en célibataire est sûrement pavée de manque, alors soit.

Le vrai souci était pour les 5 millions. Parce qu'admettons...admettons, hein, que le type soit assez honnête pour lui filer le blé...il ferait une sacrée bonne affaire, cela allait sans dire. Mais bon, la fille était innocente, et taper dessus pour qu'on puisse abuser d'elle, c'était pas ce qu'il imaginait comme projet de vie - en même temps il n'avait rien imaginé. Ouais mais non, la fille n'avait rien demandé, alors il faudrait encore et toujours gagner du temps.

Il tapa sur le dos du soldat, prenant une expression grave.

- Les femmes, mon ami, les femmes sont les meilleures commandantes de vaisseau au monde, quand il s'agit de naviguer sur les eaux tumultueuses du quotidien...mais je dompterai celle-là pour toi, maintenant que nous sommes...associés !

En finissant sa phrase, il courut vers la jeune impromptue, qui devait se demander à quoi rimait tout cela. Il courut, courut, en hurlant, hurlant, hurlant encore, même après l'avoir dépassée. Il traça de nouveau en tournant dans une ruelle, et prit le chemin de la fuite, une nouvelle fois, parce que zut...

- PAS MOYEN D'ETRE TRANQUILLE, MERDE !

Il renversa une poubelle qui fit naître une chorale de chats colériques. Diavolo leur tira la langue, toujours en course, et poursuivit son marathon inlassable. Sous l'effet de la colère, ses mains devinrent noires. Il n'y fit aucunement attention et continua, en surveillant son rythme cardio.

Les hommes, ces idiots.

J'ai du mal à en croire mes oreilles. Tellement que la conversation entre ces deux malades me donne l'impression d'avoir été racontée dans une autre langue. Le temps que l'information capitale pour moi percute mon cerveau, Roucky me fonce dessus et prend la fuite. Ce.. crétin ! Je devrais faire de même d'ailleurs, ce serait ma meilleure action depuis ce matin. Maudite curiosité..

Mes yeux croisent ceux de l'homme au manteau clair, ce qui est très surprenant, car cet espèce de vicieux a mis un bon moment pour arrêter de reluquer ma poitrine. Bien qu'il soit un idiot de première, ce gars est quelqu'un dont il faut se méfier. De plus, n'étant pas au meilleur de ma forme, je doute de mes propres capacités. Ajoutons cela au fait que je n'ai pas encore testé si les techniques de Qilin marchaient dans ce monde.. enfin bref, il faut que je me barre, et très vite !
Je déglutis tandis qu'un sourire se dessine sur mon visage.

- Bon, je vais aussi y aller moi ! A plus !

Un petit salut de la mains et hop, Shunpo. Décidément, cette technique de déplacement rapide est très utile. L'acquérir relevait du défi, mais le résultat bienvenu. J'espère juste que le pervers sera incapable de suivre ma vitesse. En quelques secondes, me voilà dans autre quartier, pus proche de la côte. Repassant à un rythme plus calme, je m'enfonce dans une rue commerçante à souhaits tout en maugréant.
Dorénavant, fini la curiosité ! Je me cantonnerai simplement à la recherche de mes pairs et c'est tout ! Et puis si je recroise un de ces gars.. J'me casse avant d'avoir fait quoi que ce soit d'autre ! Pff. Et cet espèce de.. ! Nan mais, comment peut-on être aussi.. Raaaahhh !! Ils pourraient être des cousins des Quincy...

La vie commerçante me fait vite mettre de côté les événements. Déambulant entre les différentes échoppes, mon ventre commence à gargouiller. Beaucoup trop. Fouillant dans mes poches, je ne trouve rien. Rien ?! Je fouille de plus belle, mais non, toujours rien. Eh merde, j'ai déjà dépensé les quelques pièces que j'ai reçu en quittant le village des montagnes. Je pourrais aisément chiper ci et là sans que personne ne s'en rende compte, mais je suis bien trop honnête pour le faire. Y a pas à dire, je ne me supporte plus depuis mon arrivée, ce monde me tape sur le système. J'essaie d'oublier ma faim en quittant l'allée : l'odeur de poissons frits ne m'y aide pas, au contraire.

Erf, ça craint ici quand même.. Y a de quoi être nostalgique..

Après avoir épuisé son souffle bien mis à mal, Diavolo mit la tête dans un tonneau d'eau de pluie qui traînait. Il la releva dans une gerbe d'eau et de cheveux de feu, en éructant de joie, au repos. Il reprit son chemin en zieutant à gauche et à droite, voir si le chemin s'était assagi. Personne...il s'aventura alors vers le marché aux poissons, reprendre le bon air salé du port, de la mer, de l'aventure, avant de chercher un nouveau travail. En évitant un type de la Marine franchement glauque et des religieux pas loin derrière, au classement des rencontres à éviter. Il mit les mains dans ses poches, sifflota un air en humant les premières effluves des poissons étendus devant les appétits humains. Lui-même commençait à avoir un petit creux, et il commençait déjà à saliver en imaginant une belle assiette remplie de bars, de soles, quelques sardines et des fruits de mer...le rêve...

Soudainement, il vit au bout d'une allée la fille qu'il devait combattre tout à l'heure. Comment s'était-elle échappée ? Ce devait être une tueuse, une pro du combat, le genre à t'enrhumer rien qu'en respirant trop près de toi. Dangereuse, il l'avait deviné. Il lui fallait maintenant une cachette imparable, et il trouva devant lui un premier étalage de poissonnerie. Parfait.

Se baissant un petit peu, il se tourna vers la marchandise, prit un poisson et commença à le sentir en soupirant, l'air entendu, de manière à passer pour un connaisseur. Après tout, tout le monde sait que les poissons, c'est comme le melon, faut les sentir à l'arrière pour savoir s'ils sont bien frais et mûrs à point. Il fit un compliment au poissonnier, une main derrière la tête pour cacher ses cheveux trop voyants.

Derrière lui, une petite vieille râlait pour une raison obscure, une histoire de dépassement de vingt personnes devant les meilleurs poissons du marché, que ça ne se passerait pas comme ça s'il restait planté à faire des choses bizarres avec la nourriture. Diavolo bredouilla qu'il était expert ès poissons et qu'il vérifiait la qualité de la marchandise, et tapota sur la tête de la dame pour qu'elle reste à sa place, ce qui la fit gentiment hurler.

Il voulut parlementer, jusqu'à ce que la teigne saisisse un poisson par la queue, et commence à le menacer. Déjà passablement nerveux, il passa un stade et sa main se recouvrit de noir. Attention aux arêtes.

Les problèmes de la faim.

Le premier problème quand on a faim, c'est qu'on en devient irritable. Du moins, c'est mon cas, et j'étais loin de me douter d'à quel point ! Le moindre passant qui me faisait faire un écart dans mon chemin s'exposait à un déchaînement certain tandis que j'essaie de sortir de cette allée. Poissons par-ci, fruits de mer par là, légumes de ce côté.. Je soupire en secouant la tête, comme si la faim allait s'en aller telle une feuille coincée dans mes cheveux. Cette situation me rappelle mes débuts au Rukongai : je n'étais alors qu'un petit énergumène qui mettait la pagaille à chaque passage dans les rues. Mais non, mettre le bronx ici est une très mauvaise idée.

Mon second problème quand j'ai faim et que je m'imagine des plans pour avoir de quoi manger ; c'est que j'ai l'impression que tout le monde s'y attend, et qu'à chaque fois que quelqu'un hausse le ton, c'est pour ma pomme. Je m'effraie presque en entendant une vieille bonne femme hurler à quelques mètres de là. Pensant que c'était de ma faute, je regarde tout autour histoire d'évaluer par où filer, mais ma raison me rappelle que non, je n'ai rien fait. Ce n'est donc pas moi la cause de ce grabuge. Qui, ou quoi alors ? Ooooh, stop, je m'arrête là ! J'ai failli me retrouver esclave d'un pervers à cause de ma curiosité (bon, ça ne serait sûrement pas arrivé, mais..), donc je laisse tomber ! Certes, d'habitude c'est plus fort que moi, mais là, j'ai mon compte. Je vais donc continuer gentiment mon chemin, passer devant la source du grabuge, atteindre la fin de l'allée et déguerpir très loin chercher à manger ailleurs. Quitte à pêcher avec une canne à pêche de fortune..

C'est quand même dingue, de devoir élaborer un plan contre sa propre curiosité.. Mais j'exécute sans tarder. En passant près de la bonne femme qui hurlait il n'y a que quelques secondes, je la vois prendre un poisson par la queue et l'utiliser comme menace. Arf.. Y a pas à dire, si elle en avait après moi, je crois bien que j'aurai croqué dedans, écailles ou pas. Me mordant la lèvre pour étouffer un petit rire, je passe derrière la folle et jette un coup d'oeil à sa pauvre victime. Grand, habits foncés, cheveux de feu.. Roucky ! Mes jambes s'arrêtent et je sens Qilin s'énerver. Lui non plus n'a pas beaucoup apprécié notre 'accrochage'. Si je devais l'écouter, je devrais taillader l'inconnu en morceaux. Ce ne serait certainement pas chose facile : ce gars n'en a pas peut-être pas l'air, mais il ne doit pas être aisé de l'écraser. Le voir ainsi menacé par une vieillarde et un poisson m'arrache un pouffement, tandis que je le détaille un peu mieux. Un sourcil se lève quand mon regard se pose sur une de ses mains, recouverte de noir. C'est quoi ce truc ? Déjà avant, il avait un truc du genre sur le visage, et ça avait guéri ses blessures.. Bizarre. Bizarre au point de me refiler la chair de poule. Purée mais c'est quoi ces réactions d'humaine ?! En parlant d'humains.. Si ce gars décide de s'en prendre à la vieille, elle n'y survirai pas. Je m'avance puis empoigne le poignet de la folle afin de stopper les aléas du pauvre poisson. Surprise, elle se tourne vers moi, prête à lâcher sa colère.

- Allons allons, vous abîmez la nourriture, Madame.

Je lui souris gentiment tandis qu'elle se calme. Bon, j'avoue avoir appuyé sur la prise assez fortement et utilisé un regard des plus persuasifs pour qu'elle comprenne. Prenant le poisson de ses mains, je le repose sur l'étale et me retourne afin de faire face à la folle ainsi qu'à Roucky.

- Il faut dire que Monsieur est loin d'être des plus poli, alors excusez son comportement je vous prie.

La folle lâche un souffle plein de dédain et s'en va. Erf.. Je suis loin d'aimer les humains comme celle-là, mais que ce soit dans mon monde ou dans celui-ci, ils doivent être protégés. D'ailleurs, maintenant que j'y pense.. Je pivote quelque peu et fixe Roucky, qui cette fois-ci n'a pas fui comme un dératé.

- J'imagine que toi non plus tu ne viens pas d'ici. D'où, ça m'est égal, mais il serait bien d'avoir plus d'estime pour les gens. Sur ce, à plus.

J'espère qu'il a dû comprendre par là que je ne veux pas combattre. Certes, il mérite de se faire botter le cul, mais ce n'est pas à moi de le faire. De plus, ce n'est pas un Quincy et ne sait sans doute rien de ce que je cherche : il n'est pas intéressant. Je lève la main en signe de salut et commence à marcher vers la fin de l'allée. Bien que les événements m'aient un peu distrait, j'ai encore faim.

Cata...Cata...Catastrophe...la vieille a évidemment attiré tout le coin des curieux, badauds et autres promeneurs du marché. Faut dire que Diavolo n'avait pas vraiment prêté attention aux personnes faisant la queue, au moment où il avait aperçu la fille venir vers lui. En fait d'esquive, on peut dire que c'était franchement loupé. Elle était venue vers eux, avec cette espère d'air de confiance mélangé à la perdition la plus complète. Pas d'ici, peut-être. Sûrement. Les paumés des autres mondes erraient un peu partout, et provoquaient des bagarres qui n'avaient rien à voir avec l'alcool ou un mari jaloux. Le gros problème pour Diavolo, c'est que la fille l'avait peut-être vu à se laisser aller...montrer son pouvoir en plein jour, même le soupçon d'un instant, voilà qui n'était pas dans ses habitudes. A force de course et d'énervement, il avait oublié la première règle qu'il s'était fixé en arrivant à Voluspa : pas de pouvoir apparent/on prend un petit cottage et un jardin/on vit tranquille/profit.

Ne sachant pas quoi dire à la fille, d'une part parce qu'après avoir discuté son corps, il avait fui comme un minable, et d'autre part parce qu'elle lui semblait aussi louche que lui s'il avait été normal, il se contenta de poser nonchalamment une main sur l'étalage de poisson, et de profiter de l'attention que la nouvelle arrivée lui donnait sur un plateau pour tirer deux ou trois poiscailles avec son pouvoir. Activant les ténèbres sur le bras, il aspira à lui ladite nourriture puis fit revenir son bras à la normale, espérant que personne ne l'ait vu. Ce fut presque le cas, à en juger par les deux énormes yeux écarquillés du poissonnier pas loin, qui regardait le bras de Diavolo. Il lui décocha un grand sourire, lui fit un signe de salut de la main, et se retourna vers la fille qui lui adressait la parole.

Il l'écouta sans rien dire, commençant à se reculer. Il se demanda simplement pourquoi elle lui faisait la morale alors qu'ils ne se connaissaient ni d'Eve ni d'Adam. Les gens de cette ville étaient tous dérangés, de toute façon, et le meilleur exemple se trouvait à ce moment même en la personne du poissonnier qui avançait vers lui avec un hachoir.

Il ne trouva rien de mieux que de courir une nouvelle fois, poursuivi par le vendeur, dépassant la jeune fille en hurlant :

- A la bouuuuuuffe !

Il s'exclamait de joie, car un bon poisson lui faisait vraiment envie. Éclatant de rire en semant une nouvelle fois quelqu'un qui en voulait à sa personne, il réfléchit aux diverses manières de cuisiner sa trouvaille. Il avait conservé quelques sauces dans ses ténèbres-tiroirs, et évidemment un briquet pour cuisiner parfaitement. Restait à trouver un endroit calme, assez isolé pour faire un feu, pas trop à découvert pour ne pas être repéré par d'autres enquiquineurs...il trouva une ruelle non loin, s'assura que le vendeur avait lâché l'affaire, et prit place autour d'un feu improvisé, sur un banc qui avait été autrefois une armoire. Attendant que les poissons embrochés cuisent, il chantonna tranquillement des airs d'aventures glorieuses.

Il fit sortir de sa paume noire un paquet de cigarettes, en prit une qu'il alluma au-dessus du grésillement délicieusement odorant. Espérons que des chats ne viennent pas renifler l'écuelle, auquel cas y'aurait des morts.

Maladresse.

Est-ce une habitude chez lui de hurler ? On peut facilement se poser la question alors qu'il me dépasse à toute allure. Je souris en observant sa silhouette diminuer à mesure qu'il s'éloigne. Son comportement est si.. enfantin. Je souris moins lorsque le poissonnier me tape l'épaule et que je le découvre une hache à la main et le regard furieux.

- Tu es sa complice hein ?! Cette petite scène avec ton copain bizarre c'était juste pour me voler me marchandise ! Je vais te découper, espèce de petite garce !

J’écarquille grand les yeux de stupeur. C'est à ni plus rien comprendre ! J'ai juste aidé la vieille à survivre moi, il aurait pu la tuer. Et je n'ai rien volé.. Oh. Roucky ! Chaparder et me laisser passer pour sa complice.. Décidément, je n'aurai jamais dû poser un seul pied dans cette ville. Tandis que tout s'éclaire, le poissonnier entame la courte distance qui nous sépare et abaisse son hachoir avec détermination en direction de mon épaule. Les mains dans les poches de ma parka, j'utilise mon pied pour stopper net sa course. L'avantage d'avoir des jambes assez grandes. Mon pied s'enfonce au niveau de son estomac ce qui lui coupe le souffle en même temps que je le renvois d'où il vient, le poussant légèrement de la pointe de ma botte. L'observant tomber comme une masse, je m'approche de l'étale, m'empare d'un poisson et d'un torchon. Enroulant le premier dans le second, je repasse à côté du marchand qui peine à se relever à cause de la douleur.

- Je prends celui-ci en guise d'excuses de votre part, pour la 'garce'. Bonne journée !

Le temps n'est plus à la promenade, trop de passants viennent d'être témoins de la scène. N'ayant aucune envie de me retrouver face aux autorités de la ville, je réutilise le Shunpo pour filer en vitesse. Eh ben, si ma vie ici doit se résumer à m'attirer des ennuis et fuir... Je soupire, m'ennuyant d'avance. Moi qui était contre le vol.. Bon, ce n'est pas vraiment un vol, c'est plutôt un compensation, non ? Mes pieds m'ont à nouveau conduit dans un quartier plus calme, mais où les bâtiments sont assez petits pour avoir un bel aperçu sur le ciel. Bleu, parsemé de nuages. Continuant de déambuler sans but précis, je garde la tête penchée tout en regardant défiler ces moutons blancs duveteux. Ce monde ne doit pas être partout comme ici, ce n'est pas possible. Une reconnaissance s'impose, il faut aussi que je trouve une carte ou un truc dans le genre. Quelqu'un qui pourrait m'expliquer, mieux que les habitants qui m'ont recueilli à mon arrivée, ceux-là ne savaient pas grand chose. Pitié, faites que je ne sois pas la seule ici..

Feu. Poisson frit. Et.. Cigarette ? Odeurs bien alléchantes, surtout pour quelqu'un qui meurt de faim. Mais c'est que j'ai carrément oublier mes victuailles ?! N'étant pas habituée à me retrouver avec un poisson entier, je ne sais pas trop comment faire pour le manger. Et vu sa tête, le manger cru est un peu dégoûtant. Bon, je l'aurai mangé cru s'il n'y avait pas d'autres solutions, mais l'odeur qui vient d'une des ruelles adjacentes me paraît être une meilleure idée. Je vais donc essayer de le faire griller ! La question maintenant, c'est comment faire ? Eh oui.. Quand on n'est pas doué... Je vais aller voir comment sont grillés ceux dont je sens l'odeur et improviserait en fonction !

Ma vue s'assombrit peu à peu, les habitations sont plus hautes et resserrées dans ces ruelles.
Si j'ai bien appris quelque chose aujourd'hui, c'est de faire très attention à mes actes. Je décide donc de passer par les toits pour observer 'par le haut' la manière de faire. Vraiment l'impression d'être un chat.. Un voile de fumée sombre monte d'entre deux toits, c'est par là. Deux trois petits sauts à travers les bâtiments et voilà !
Je tombe presque à la renverse en voyant qui est en train de faire griller ses poissons : Roucky. Jamais deux sans trois, comme on dit. Cette canaille fait cuir sa récolte volée juste avant, au marché. C'est pas possible.. Bon, au moins j'ai une bonne vue sur sa manière de faire. Enfin, il faut juste que je m'approche un peu plus..

Ai-je déjà parlé de ma maladresse naturelle ? Un peu comme le sens de l'orientation : zéro pointé. Maladresse dans le genre de celle qui vous fait tomber d'un toit la tête la première comme une idiote ? Certes, en combat, je suis d'une grande précision, mais en temps normal, pas tellement. Et c'est ce 'pas tellement' qui est la cause de ma si misérable chute. Pour la discrétion, on repassera.. D'autant plus que mon point de chute se trouve être le haut du crâne de Roucky. Chute fracassante. Me relevant au plus vite, à la fois gênée et assez effrayée de provoquer sa colère, je fait un petit saut en arrière en observant l'homme que je viens d'écraser. Pourquoi j'aurai peur moi d'ailleurs ? Pressentiment ? Bien plus que ça en fait, mais rien que le fait de me donner la chair de poule est un bon a priori.

- Désolée.. Je.. voulais juste voir comment on cuit du poisson.

Le comble de l'idiotie. Je pourrai presque m'auto-frapper. Avec mon visage d'enfant qu'on vient se surprendre en pleine préparation de sa prochaine bêtise..enfant ignorant de tout, en plus. Raah, j'ai l'air fine moi maintenant ! En guise d'explication complémentaire, je sors de mon sac le poisson enveloppé dans le torchon, le dévoile à moitié puis le remets en place. Je ne porte même pas la main à Qilin tellement je suis dépitée par mon propre comportement. J'en suis au troisième problème de la faim : elle me déconnecte de la réalité et change mes priorités du tout au tout. Et puis, avec ce qu'il vient de se passer, Qilin ne voudrait même pas se donner a peine de m'aider si besoin était.

J'aurai bien ajouté un petit 'et puis, avec tous les ennuis que j'ai eu par ta faute, tu me dois bien ça', mais une petite part de moi me dit de ravaler ma salive et de ne pas jouer à la grande après ce qu'il vient de se passer. Plus aucune crédibilité.
Espérons seulement qu'il ne décide pas d'appliquer sa technique bizarre sur moi.

Un grand miaaaaam en entendant le poisson griller à feu doux. Diavolo regarda tout de même dans la ruelle, voir si l'odeur ou le bruit pouvaient gêner des résidents, mais le coin semblait tranquille. Volets fermés, fenêtres fermées, à croire que l'immeuble était là pour le décor. Tant mieux. Rien de pire qu'un habitant qui se sent envahi dans sa demeure. Par contre, il y avait les chats à surveiller du coin de l'oeil. Il en avait aperçu un en lançant la nourriture sur le feu, et l'animal faisait du stationnement intéressé à l'entrée de la ruelle. Le petit malin...s'il se tenait tranquille, Diavolo lui laisserait les têtes.

Il ferma les yeux et savoura la pleine tranquillité de l'instant, jusqu'à ce que la foudre lui tombe sur le crâne. Impression première : le choc sourd. Deuxième impression : la foudre a traversé son corps - en fait la résonance du choc amplifié par son pouvoir, qui faisait hurler chaque pore de la peau. Mettant sa main dans sa bouche, afin d'éviter de pousser des hurlements ressemblant fortement à des alertes, il la fit saigner jusqu'au sang, jusqu'à ce que la douleur disparaisse lentement, difficilement. Il reprit pleine conscience et se rendit compte qu'il était allongé au sol, près du feu, et qu'il avait dû grogner et gémir de manière pitoyable.

Le retour sur les deux pieds stables se trouva suivi d'une intense colère qui fit apparaître des flammes noires sur le corps de Diavolo. Aveuglé, il approcha la main de la silhouette devant lui en reprenant son souffle, les traits tirés par la souffrance, et commença à utiliser la gravité pour la faire venir à lui, et lui montrer qu'on ne dérange pas impunément les ténèbres. S'éveillant enfin tout à fait, il vit que ladite silhouette était la fille de tout à l'heure, celle qu'il croisait pour la troisième fois maintenant, et toute animosité cessa. De manière incompréhensible, Diavolo se laissa tomber sur l'armoire qui lui servait de banc, et poussa un soupir à la fois exaspéré et soulagé.

- Ne...refais...plus jamais...ça !

La fille en face semblait réellement désolée de l'avoir fracassé. Soit...il repiocha une cigarette pour apaiser ses nerfs. Il l'observa plus longuement. Jeune, cheveux blancs, traits plutôt élégants, des yeux verts similaires au sien, plus foncés peut-être, et un accoutrement aussi bizarre que le costard de Diavolo en zone portuaire. Toujours pas d'armes visibles, hormis ce poisson qu'elle sortit d'un chiffon. Aussi paumée que lui, visiblement...

Il prit son poisson, l'enfila sur une broche de bois qu'il avait près de lui, et le plaça sur le petit feu à côté des autres. Il lui proposa de s'asseoir sur l'armoire plutôt que par terre, tandis que lui resterait agenouillé près des fourneaux. Même en situation de clochardisation avancée, Diavolo pouvait rester galant et courtois, ainsi que ses parents le lui avaient appris. Rien que de la politesse, cela fait toujours plaisir quand on va partager la mie de pain avec quelqu'un.

- Pour le poisson, il faut surtout que la chair à l'intérieur soit blanche et compacte. Les arêtes sont plus faciles à enlever, et ça fond dans la bouche ensuite...et j'accepte tes excuses pour m'avoir fracassé le crâne, au fait.

Il sourit doucement, complètement vidé de toute douleur. Évanouie avec le sang-froid et aussi l'habitude. Diavolo pouvait alors reprendre une vie normale, tourna les poissons, et demanda d'un ton calme, surveillant le feu, des informations d'usage à la jeune fille.

- Je sens que tu n'es pas d'ici, toi, comme moi...Comment te nommes-tu ? De quel coin inconnu sors-tu ?

Il poursuivit, après une bouffée de tabac.

- Pour ma part, je viens du Shinsekaï (le Nouveau-Monde), derrière la barrière de Red Line. Mais personne ou presque ne connait ces lieux ici. Je m'appelle Diavolo Tejada...enchanté...Je suppose que c'est ça qu'on dit quand on se croise pour la première fois, mais nos premières rencontres n'étaient pas engageantes.

Il lui fit un clin d'oeil, manière de dire qu'il en riait désormais, et écarta avec une baguette la coupure nette d'un poisson pour en surveiller la cuisson. Ils seraient prêts d'ici peu ; pour ne pas l'effrayer, il fit jaillir de son dos de flammes noires deux petits assiettes, ainsi que des baguettes en bois. Il lui en tendit une, avec sa paire de baguettes.

Présentations.

Se prendre un coup sur la tête est douloureux, certes. Mais la réaction de Roucky en est carrément disproportionnée. Vraiment étrange, je n'y comprends plus rien. C'est comme s'il avait ressentit le choc au centuple, ce qui fait grandement augmenter mon sentiment de malaise. Je n'aime pas causer du tord aux gens, à part peut être aux Quincy bien sûr. Bon, c'est vrai aussi que Roucky a été fort désagréable plus tôt dans la journée et que je l'aurai volontiers étripé.. Du coup je culpabilise déjà moins.

Je le laisse me détailler et embrocher le poisson sans m'excuser à nouveau. Une fois est bien suffisante. Mieux vaut ne pas juger les individus au premier coup d'oeil, on se trompe souvent. C'est avec sidération que je découvre un côté plutôt courtois chez lui. Maintenant que j'y pense, je n'ai pas arrêté de courir à droite à gauche depuis quelques heures, et merci qui ? Je prends donc place sur l'armoire, souriante mais toujours muette tandis qu'il m'explique la cuisson du poisson. Hm.. Vivement qu'on mange alors !

J'aime quand les choses vont vite. Hors, la cuisson de ces animaux marins me donne l'impression de durer longtemps. Je me mets donc en tailleur histoire de mieux patienter, et cale mes coudes dans mes genoux.

Oh, signes de politesse ? J'ai même droit à une présentation, quel changement de comportement ! Qui aurait pu croire que le même homme a discuté ma personne il n'y a même pas deux heures ? Je souris en l'écoutant, me disant intérieurement d'effacer tout ce que j'ai pu penser de négatif sur lui. C'est dingue comme on change d'avis quand quelqu'un vous aide à pouvoir manger.. Sans réfléchir plus loin, j'attrape ce qu'il me tend tout en répondant.

- Shinsekai ? Red Line ? Connais pas. Moi c'est Kei, enchantée.. aussi ? Le monde d'où je viens s'appelle la Soul Society, enfin, en gros. C'est devenu un peu compliqué ces derniers siècles.

Je marque une pause. Ce que je viens de dire n'est pas 'vraiment' exact. Mais à quoi bon essayer d'expliquer tout le bordel entre Soul Society, le monde des humains et tout le reste ? Trop compliqué, et puis l'important n'est pas d'où je viens, mais le monde où nous sommes à présent. Je lui demanderai peut-être plus tard s'il a déjà croisé des gens comme moi, ou des Quincy.. Ces rats.. Rien que d'y penser, je suis obligée de serrer le poing de colère.

- Tu as atterri ici depuis combien de temps ?

Si je devais imaginer une conversation type entre deux personnes comme nous, qui viennent d'un autre monde, cette question serait dans les premières posées. J'imagine qu'elle permet de poser quelques repères.. mais tout ça est quand même troublant.

C'est en posant la petite assiette que je me rends compte que quelque chose cloche. J'ai dû louper un épisode. Je me penche en avant pour regarder ce qui se trouve derrière.. Diavolo ? Arf, je crois que j'aurai du mal avec ce prénom : Roucky c'est tellement mieux ! Sale habitude, de donner des surnoms. Rien. Mais alors, il les as sorti d'où, ces couverts ? Je le regarde d'un air perplexe, désignant l'assiette.

- D'où ça sort ça ?

Ouh que ça fait du bien. Il n'aimait pas se vanter, mais la cuisson était parfaite, les poissons pas mauvais du tout. Il regrettait à présent de les avoir piqués aussi ouvertement...le poissonnier donnait du bon poisson à vendre à ses clients, ça valait la piécette qu'il demandait. Mais quand on est fauché, mon pote, y'a rien qui vaut une pièce ou deux. Diavolo savoura les dernières bouchées avec un plaisir non dissimulé, poussant des soupirs extatiques à chaque dent butant sur un morceau de chair tendre et juteuse. Il lança une tête au chat qui avait attendu patiemment son tour. La bête se recula tout d'abord, effrayée par le geste brusque, puis plongea sur le morceau. Même attitude d'êtres qui crèvent de faim.

La fille avait montré des gestes d'impatience pendant la cuisson. L'air de rien, Diavolo avait rajouté un morceau de bois qu'il avait trouvé très près de lui, et lui avait tendu son assiette. Elle se présenta en ayant fini, sans doute voulait-elle reprendre des forces pour s'exprimer de mieux possible. Il n'avait pas demandé si elle se sentait bien, mais après leur rencontre avec le soldat, après le marché, la question aurait pu être incongrue, déplacée.

Ainsi elle s'appelle Kei. Juste Kei. Soul Society...on pourrait croire à un nom de la pègre sur le Shinsekaï, ou une entreprise spécialisée dans les aspirateurs, mais ce nom ne lui dit vraiment rien. Après tout, elle disait ne pas connaître Red Line et le Nouveau-Monde, alors que personne ne peut ignorer ce qu'est Red Line, le rassemblement des quatre mers, ce que Diavolo, au plus profond de lui, voyait comme étant la face visible d'All-Blue, une fois que Red Line serait détruite pour laisser la place à l'océan complètement libre. All-Blue, le point de rencontre au milieu des quatre océans, le rêve le plus libre que pouvaient imaginer les pirates...mais ce ne serait pas avec elle qu'il partagera cela, visiblement.

- Je ne connais pas la Soul Society. Nous devons venir de deux mondes très différents, comme certaines personnes ici. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais je commence à regretter la mer et le bateau. J'étais un marine, un soldat comme le type que tu as croisé, en uniforme. Mais j'ai...j'ai déserté l'armée, et je suis devenu un pirate, un renégat. Une cible à abattre pour eux. Enfin cela doit être aussi clair qu'un ponéglyphe, dit comme ça.

Temps de pause. Le souvenir de la taverne, ces deux gradés qui discutaient avec le Fruit du Démon posé en trophée. S'il avait été plus attentif, il n'aurait jamais fait l'idiot auprès de ces fous furieux. Il serait volontiers resté simple canonnier, avec des amis canonniers eux aussi, à faire des concours de tir le jour, de pets la nuit, reluquer les filles dans les ports et se bagarrer avec les pêcheurs de la ville d'escale. Cette vie lui allait parfaitement...

- Ça va faire...une quinzaine de jours. J'ai trouvé du travail dans un bar, je faisais le serveur à mi-temps, le patron m'a donné une couche et j'avais un peu d'argent de poche, assez pour aller boire pour oublier. Et toi ?

La voilà qui se penchait vers Diavolo. Evidemment, vu ce qu'il faisait avec son pouvoir, elle allait forcément le voir. D'ailleurs c'était l'heure de débarrasser la table...Il activa son pouvoir sur son bras droit, les flammes noires commencèrent à monter, à se répandre sur le sol où étaient posées les couverts, qu'il aspira dans les ténèbres. Il fit remonter les flammes jusqu'à lui et cessa leur utilisation. Ou presque, il fit apparaître de nouveau son paquet de cigarettes dans sa paume noire, se saisit d'une, et la fit disparaître. Il en proposa une à Kei et alluma la sienne.

- Rien de tel que du bon tabac après un bon repas. Ce que tu as vu...il s'agit d'un pouvoir de mon monde. Un fruit qui me permet de contrôler des flammes qui stockent les choses.

Hum, valait mieux ne pas tout lui dire d'un coup, quitte à passer pour un idiot - le travail à ce niveau là se résumait à tirer sur l'ambulance à voile. Il fixa Kei d'un air énigmatique et mystérieux, et lâcha, d'un ton qui se voulait neutre mais qui passerait sans nul doute pour pervers. Foutu pouvoir !

- Qui les stockent...dans mon corps...Et toi, tu possèdes quelque chose de particulier ? Une arme, peut-être ?

Dit-il en sifflotant l'air innocent.

Informations.

La vie se résume-t-elle à ça une fois qu'on atterri ici ? Aller jusqu'à cacher son passé et s'intégrer comme si on avait toujours fait partie de cette réalité ? Cette idée me tord le ventre. Je refuse, c'est impossible. Si cette espèce de machin infernale ramène tout le bon peuple, façon de parler, dans ce monde-ci, il doit forcement y avoir un bouton retour arrière. Même faisant partie de la 3ème Division, j'ai du mal à comprendre le fonctionnement de ce truc. Une chose est sûre : rester ici m'essayer à une nouvelle vie est impossible, ce serait contre-nature.

J'ai laissé Diavolo parler sans émettre un son. Un pirate, un déserteur ? Si je n'avais pas retenu ma langue, je lui aurais sûrement reproché un tel choix. Comment peut-on déserter ainsi ses compagnons ? Mais en y réfléchissant un peu plus, j'ai fini par éluder que ce ne sont pas mes affaires : ce gars a déserté, certes, mais il doit y avoir une raison. Je refuse sa cigarette d'un signe de tête. Ai-je déjà fumé ? C'est peut-être déjà arrivé.

Son pouvoir est vraiment.. étonnant. Si je n'avais pas été victime d'un coup de barre post-prandial, je lui aurai certainement posé un millier de questions à ce propos. Comment ça marche ? Comment un fruit peut avoir un effet comme celui-ci ? Pouvoirs magiques ? Le fait de hurler la mort à chaque fois qu'on est touché, c'est un effet secondaire ? Est-ce qu'il y a une capacité limite ? On se sent plus lourd quand on 'aspire' un gros truc ? Voilà, des questions dans ce genre. Mais bon, rien ne me dit qu'il y aurait répondu, et c'est normal : il n'est jamais très bon de tout dévoiler à un inconnu.
M'approchant tout de même, les yeux grands ouverts, je lui attrape la manche et observe sa main de plus près, comme si elle allait répondre d'elle-même ou qu'un signe divin allait frapper.

- Enoooooorme.

Vraiment génial, comme pouvoir. Constatation terminée, je me recule et reprends ma position tailleur. Je suis obligée de lâcher un petit rire devant son air innocent. Bien sûr, il a dû remarquer Qilin, ce qui précise mon idée sur son niveau : dont-il-faut-faire-gaffe-quand-même. Bon, infos contre infos, je décide de lui montrer ma lame. Je le tire de l'arrière de ma ceinture et présente le wakizashi d'environ 50cm de long au pirate.

- C'est Qilin, mon zanpakuto. Ces armes ont des pouvoirs spéciaux aussi, et leur propre conscience. Je t'en aurais bien montré plus, mais cet idiot me boude depuis notre arrivée. Ah, je ne t'avais pas répondu : j'ai atterri ici il y a quelques jours seulement.. Trois, peut-être quatre.

Le temps de reprendre mon souffle qu'on me coupe a parole. Au bout de la petite ruelle, une silhouette en contre-jour nous crie dessus.

- Hé vous là ! Qu'est-ce que vous faites ?! Vous essayez d'allumer un incendie ! Gaaaardes, gardes, des incendiaires par là !!

Des bruits de pas martèlent le sol et font écho à travers les ruelles. Décidément.. Je tourne la tête vers Roucky-Diavolo : alors c'est comme ça ici, soit on s'intègre, soit on se fait courser ? Va-t-il une nouvelle fois hurler comme un fou et prendre la tangente ?
En quelques secondes, voilà que toutes les issues sont bloquées par des espèces de gardes avec des accoutrements bizarres (personne ne fait dans la normalité ici). Toujours assise sur l'armoire-banc, je soupire sans me lever pour autant. Bon.